Les souvenirs de la fille d’Honoré d’Estienne d’orves

Interview Rose de Beaufort, fille d’Honoré d’Estienne d’Orves, réalisée le 10 mai 2021 à son domicile parisien :
Rose de Beaufort, photographiée le 10 mai 2021 à son domicile ©Ville de Verrières-le-Buisson

Quel souvenir gardez-vous de votre enfance à Verrières ?

Les souvenirs, je ne peux pas les exprimer vraiment, car ce sont les souvenirs d’une petite fille de 6 ans qui sont lointains et très confus… Nous étions venus à Verrières quand mon père a été arrêté et interné à Fresnes qui est très près de Verrières. Donc l’idée est venue à ma mère d’essayer de trouver une solution pour venir chez sa belle-sœur, ma tante Catherine Régnier qui est toujours vivante et qui habite dans le château de Verrières, tout au moins dans le pavillon…

Nous étions alors hébergés dans un petit manoir à Quimper, dans le Finistère…Ma mère et ma tante, sa sœur, ont pris la grosse Citroën et on a embarqué les quatre enfants et demi de ma mère et les cinq enfants de ma tante… C’était très difficile, mais ma mère était une jeune femme très courageuse et très volontaire à la fois… Elle avait été voir son mari plusieurs jours avant que nous y allions… Honoré lui avait demandé une fois, deux fois, trois fois Est-ce que je pourrais voir les enfants ?

Après son procès qui a duré treize jours, il est jugé et transféré à la prison du Cherche Midi, puis en juin à Fresnes…C’est là que ma mère a eu l’autorisation de venir avec ses enfants (18 juillet NDR). Mon père pleurait tous les jours pour nous voir…Il ne connaissait pas Philippe qui était né le 2 décembre 1939… Il a été très heureux quand il a su que nous allions venir…

Avez-vous un souvenir précis de votre père ?

J’ai le souvenir précis des trois visites à la prison, alors que nous étions à Verrières chez ma tante… C’était assez impressionnant… Exceptionnellement, parce qu’Honoré avait été condamné à mort, le Directeur de la prison nous a autorisés avec notre mère à revenir le voir dans sa cellule à Fresnes où il était incarcéré…

Avant d’arriver à la cellule, on avait fait les grands couloirs qui sont très impressionnants… C’est un souvenir qui m’a beaucoup marquée… On arrivait à la grande première porte en bois de la prison, puis il y a une deuxième porte qui est en fer…

Nous voilà dans la grande salle au milieu de Fresnes, et il y a un grand escalier, et on voit Honoré le descendre. Je me souviens de ce monsieur très décontracté avec un gros pull marin bleu marine en tricot, les mains dans les poches, il avait toujours les mains dans les poches mon père …

Il était tellement joyeux. Il nous racontait des histoires, on lui racontait notre vie à Verrières… Il avait de vraies conversations avec ses filles ainées. Les petits n’avaient droit qu’à sauter sur ses genoux… Il parlait avec le bébé qui était sur les genoux de notre mère…

La valeur de l’héroïsme que représente votre père vous parait-elle importante pour nos générations à venir ?

Ça c’est un sujet très important qui me touche beaucoup…

J’ai fait plusieurs rencontres avec des CM1, CM2 de l’école de Suresnes. La directrice les avait fait travailler de façon formidable. Ils avaient fait des dessins d’Honoré sous toutes les coutures, il y en avait plein les classes, c’était très émouvant…

Ils ont posé des questions, très intéressés… C’était vraiment beaucoup d’émotions…. Ils étaient tellement attentifs… Ils commentaient les dessins, avaient fait des légendes…

Je tiens beaucoup à cette présence. J’ai beaucoup de chance, car j’ai souvent été invitée à des évènements autour de la résistance…

J’ai fait une conférence et commenté des photos dans la grande salle de la Mairie d’Issy-les-Moulineaux… Quand mon père a été reçu à l’école de Guerre, ma mère avait trouvé un appartement à Issy-les-Moulineaux, mes sœurs sont allées à l’école dans cette commune…